C’est déjà délicat de faire sa place dans une institution ou une entreprise. C'est encore plus difficile de se battre avec la présomption de ne devoir son poste qu’à la couleur de sa peau, à son sexe, à son orientation sexuelle ou à son handicap.
Par Karim Djinko, Coach Exécutif
Lorsque je débarquais à Radio-Canada en 2005, j’avais une dizaine d’années d’expérience journalistique en presse écrite. Je devais aussi surtout ma présence chez le diffuseur public canadien au Prix Lizette Gervais remporté cet été-là, après un retour à l’université pour affiner mes connaissances en audio-visuel. Le prix récompense annuellement les finissants en journalisme des universités québécoises.
J’ai pourtant dû me battre pendant les premières années avec l’impression que j’étais une caution de la volonté du diffuseur de tenter de s’ouvrir à la diversité. Cette désagréable impression de ‘’faire tache’’ dans le décor. On vous le fait sentir. C’est d’autant désagréable qu’elle vient surtout de collègues. C’est insidieux. Parfois assumé. Lorsque vous n’y êtes pas préparé, elle rajoute du poids à la complexité de s’intégrer à son environnement de travail…
La confiance de l’employeur est une chose mais celle des collègues l’est tout autant sinon plus. Après tout, ce sont avec eux que vous interagissez au quotidien.
Or, les organisations font très peu pour créer les conditions d’une intégration réussie lorsqu’elles embauchent un (e) employé issu d’un groupe minoritaire.
C’est bien d’être ouvert à la diversité et de prendre le virage de l’inclusion. Mais il faut aussi s’assurer qu’il est compris à l’interne. Non pas comme une faveur aux groupes minoritaires. Mais comme un devoir de rectifier une anomalie. L’importance de prendre en compte dans les processus de recrutement une portion de la population royalement ignorée jadis. Bref, mettre le milieu de travail en conformité avec la composition de la population.
Ce n’est parce qu’on embauche peu de femmes, de gens ‘’de couleur’’, de handicapés…qu’ils n’en ont pas les capacités. Ils\elles sont ignoré (e) s en dépit de leurs compétences. Une situation documentée par de nombreuses études. Une sorte d’aveuglement volontaire et d’’’entre-soi’’ qui fait d’une anomalie une règle. C’est vrai dans la plupart des secteurs d’activités, y compris dans les médias. Ceux dont le métier est justement d’observer la société....
En 2016, lors d’une visite de travail dans plusieurs radios à Paris, j’ai pu constater le profond décalage entre la composition des rédactions et les rues de la capitale française. Inutile de relever que ces médias, de fait, multipliaient des angles morts dans le traitement de l’information au quotidien…
La perte de privilège
Récemment, un ex- collègue, cadre aux Nations Unies, me confiait qu’il avait peu d’espoir de gravir de nouveaux échelons parce que, disait-il ‘’on en a plus que pour les femmes pour des postes de responsabilités’’. Il rendait responsables les femmes pour ses futurs échecs plutôt que de devoir composer avec une compétition qui prenait désormais en compte ‘’la moitié de l’humanité’’ et celles qui sont désormais majoritaires dans la plupart des grandes universités.
On n’en sort pas par un claquement de doigt. Il est de la responsabilité des employeurs de veiller à une gestion harmonieuse de cette diversité. Et ça commence par un travail de pédagogie.
On ne vient pas à bout de cette résistance au changement en claquant du doigt. Les entreprises et institutions doivent être conscientes que cette perte de privilège pour le groupe dominant ne passe pas comme une lettre à la poste.
Il faut la gérer en amont. Il faut prévenir les ressacs et s’assurer qu’une fois l’embauche effectuée, l’environnement de travail ne soit pas un moulin à vent pour le ‘’nouvel arrivant’’.
Très bonne contribution.